Thursday, September 25, 2014

BlackBerry joue sa survie avec un smartphone carré


Nouvel envol ou bien chant du cygne ? Maintes fois enterré, pourtant toujours vivant, le canadien BlackBerry, ex-Research in Motion (RIM) bouge encore et a voulu le prouver, mercredi 24 septembre, en dévoilant son dernier-né : un smartphone « carré », aux dimensions copiées sur celles, universelles, du passeport.

Ce drôle d’objet, doté d’un grand écran de 4,5 pouces de diagonale, qui contraste avec le format 16/9ème auquel les clients sont habitués, entend leuroffrir le meilleur de ce qui a fait le succès de BlackBerry : un clavier à la foisphysique et tactile sur lequel on peut faire défiler ses doigts, une sécurisation des données présentée comme la plus aboutie et une facilité de synchronisation via un nouveau logiciel. Ce dernier, baptisé Blend, centralise toutes les informations enregistrées par le biais du smartphone sur ordinateur portable, fixe, ou tablette. Le Passport sera disponible à la vente en France au prix de 649 euros sans subvention, avec 32 Go de mémoire (extensible). C’est à peine moins que l’iPhone 6 en version 16 Go, et ses 700 euros. 
Reste à savoir si ce modèle signera la fin du déclin du canadien, qui avait connu son heure de gloire au milieu des années 2000 avec ses smartphones très prisés dans les gouvernements, la finance et les milieux d’affaires en général. Aujourd’hui, l’entreprise ne détient plus que 0,5 % de part de marché à l’échelle mondiale. Fin 2013, la société était officiellement à vendre.

RECENTRAGE
Les entreprises et institutions constituent une part importante de sa clientèle - « 16 gouvernements du G20 », souligne David Derrida, directeur produit -, et c’est sur ce coeur de métier que la firme entend se recentrer, après une période de rééquilibrage financier drastique. Avec son écran large adapté, selon BlackBerry, à la consultation et à l’édition de documents de travail, sa battterie longue durée et ses 32 Go de mémoire (extensible à 128 Go), BlackBerry entend reconquérir ses marchés historiques. 
La sortie d’un nouveau téléphone a de quoi surprendre. L’arrivée de John Chen aux manettes de la société en novembre 2013 a été plutôt interprétée comme un choix stratégique en faveur des logiciels et de la cybersécurité.
Après des années de perte, l’ex-RIM a publié des bénéfices au dernier trimestre. Mais ce redressement financier n’augure pas forcément d’un retour d’affection de la part de clients déçus par une marque qui, après des années de domination du marché, s’est largement reposée sur ses acquis et s’est faitedépasser par à peu près tous les autres constructeurs
« En se focalisant sur les professionnels, BlackBerry s’est coupé de 70 % du marché, explique un spécialiste du secteur, il n’a pas fait les mises à niveau nécessaires et, au final, la marque s’est faite sortir par les clients eux-mêmes ».   
Pour Roberta Cozza, analyste chez Gartner à Londres, l’ex-RIM offre « trop peu et trop tard » et  « a définitivement perdu le marché grand public ». L’univers BlackBerry s’est en effet ouvert très tard aux applications et aux systèmes d’exploitation (OS) extérieurs comme Android, ce qui n’aide pas à attirer les développeurs, dont le rôle est important dans le succès d’un OS et d’un smartphone. Le constructeur a également mis beaucoup de temps à proposerdes écrans tactiles, persuadé qu’une part des utilisateurs n’abandonnerait jamais l’écran physique. 
UN SMARTPHONE DE NICHE
La firme a encore « quelques certificats précieux dans le domaine de la sécurité », nuance Roberta Cozza, même si ses concurrents ont eu largement le temps et les moyens financiers de se mettre à niveau. Sa force réside notamment dans le fait que ses services sont hébergés « on premises » (« sur place »), et ne dépendent donc ni du cloud ni de serveurs extérieurs. « C’est bien, mais ça coûte très cher, explique le spécialiste du marché des smartphones, et ça incite BlackBerry à fonctionner sur ses acquis. » 
Bien qu’assez novateur avec sa forme carrée et son clavier hybride, le Passport risque de servir de simple vitrine aux logiciels sécurisés sur lesquels BlackBerry concentre son expertise. 
Sauf que, même au niveau logiciel, les concurrents sont là, et il ne sera pas facile de convaincre les directeurs des systèmes informatiques d’adopter une flotte de BlackBerry Passport alors que des grands noms, comme Microsoft, proposent des solutions qui combinent PC portable, tablettes et smartphones sur un environnement de travail complètement intégré. 
Si cette nouvelle version de la « mûre » ne trouve pas son public, les chances de maintien de BlackBerry sur le marché sont compromises. Sa survie pourrait, selon les observateurs, passer par un scénario à la Nokia, c’est-à-dire un achat par un grand groupe qui aurait la solidité et les ressources pour opérer une transformation en profondeur. « Le problème est que BlackBerry fait à la fois du hardware et du logiciel », explique encore un analyste, « ce qui ne facilite pas la reprise de telle ou telle activité ».  

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